Projet Castillo

Projet Castillo

Etude exhaustive de l’art   et des traces anthropiques  de la grotte d’El Castillo (2003-2016)


Direction : Marc Groenen


Co-direction :

- Marie-Christine Groenen

- Federico Bernaldo de Quirós (Universidad de León)


Collaborateurs :

   

    - Marie-Paule Delplancke, Gilles Wallaert et Tiriana Segato (Matières et matériaux, ULB)

    - Nadine Warzée et Rudy Ercek (LISA, ULB)

-  Ludovico Rodríguez Liaño (relevés des motifs gravés)

- Jose Maria Ceballos del Moral (jusqu'en 2006)


Par son impressionnante séquence stratigraphique, par les centaines de motifs qui ornent ses parois et par les dizaines d’œuvres d’art mobilier mises au jour dans le gisement, la grotte d’El Castillo apparaît comme l’un des sites majeurs du Paléolithique.

SITUATION


La grotte d’El Castillo est située sur le versant nord-est de la montagne du même nom, dans la commune de Puente Viesgo (Santander, Cantabrie). Elle figure sur la carte au 1:50.000 de l’Institut géographique et cadastral, feuillet n° 58 (Corrales de Buelna). Ses coordonnées sont : longitude 0° 16’ 3’’ ouest, latitude 43° 17’ 34’’ nord. Les coordonnées UTM sont : 421785 et 4793955. Son développement actuel est de 759 m. Le Monte del Castillo, qui présente la forme naturelle d’un mammouth, abrite également plusieurs grottes ornées, dont Las Chimeneas, La Pasiega (3 réseaux) et Las Monedas sont les principales. L’entrée de la grotte d’El Castillo se trouve à 195 m d’altitude. La cavité comporte une série de salles et de couloirs de dimension et de volume très variables, aisément accessibles, formant autant d’espaces distincts. H. Breuil leur a donné un nom que nous avons repris par commodité. Nous y avons ajouté d’autres noms, lorsque les espaces étaient suffisamment isolés.


La grotte ornée d’El Castillo est l’un des sites majeurs de la préhistoire européenne, tant du point de vue archéologique que du point de vue artistique. Outre sa stratigraphie, qui s’étend du Paléolithique moyen ancien jusqu’à l’Âge du Bronze, elle comprend presque 3.000 entités graphiques dessinées, peintes ou gravées, distribuées sur l’ensemble de ses parois, à travers tout le réseau.


HISTOIRE DES RECHERCHES


La grotte a été découverte le 8 novembre 1903 par Hermilio Alcalde del Río, qui en a assuré la première étude en 1906. La même année, Henri Breuil analyse les motifs pariétaux peints et gravés au cours de plusieurs campagnes. Les résultats seront publiés par H. Alcalde del Río, H. Breuil et L. Sierra en 1912, dans une monographie consacrée aux Cavernes de la région cantabrique. Les recherches étaient faites dans le cadre du nouvel Institut de Paléontologie humaine, et l’ouvrage publié par les soins du Prince Albert Ier de Monaco dans la collection des Peintures et gravures murales des cavernes paléolithiques. Le site s’est également avéré important dans l’histoire des recherches, puisque c’est, entre autres, dans la grotte d’El Castillo que Breuil va concevoir et appliquer sa méthode de la « stratigraphie pariétale », grâce à laquelle il proposera un cadre chronologique pour l’art du Paléolithique supérieur.


Le gisement archéologique situé dans le porche de la grotte d’El Castillo a livré une séquence stratigraphique riche de 26 couches, qui se développe sur 20 m d’épaisseur. Après un premier sondage effectué par H. Alcalde del Río, le gisement a été fouillé par Hugo Obermaier, avec l’aide occasionnelle de Paul Wernert et de Jean Bouyssonie, entre 1910 et 1914 (Breuil & Obermaier, 1912 ; id., 1913 ; id., 1914). En 1950, Jesus Carballo y a ensuite refait un nouveau sondage. Enfin, en 1980 Victoria Cabrera Valdés et Federico Bernaldo de Quirós ont repris la fouille de deux témoins conservés intacts. À cette occasion, V. Cabrera a publié les carnets de fouilles, restés inédits, de H. Obermaier et entrepris la révision des données archéologiques et chronostratigraphiques du gisement (Cabrera Valdès, 1984 ; Cabrera Valdés et al., 1996). À l’occasion du centenaire de la découverte, un colloque international a été organisé à Santoña sur les Néandertaliens et la question de la transition du Paléolithique moyen et supérieur de Castillo par V. Cabrera Valdés, F. Bernaldo de Quirós et J.M. Maíllo Fernández. Il a été publié en 2006.


Depuis les travaux pionniers de H. Alcalde del Río et de H. Breuil, la grotte elle-même a été peu étudiée. Il faut toutefois mentionner les contributions d’Eduardo Ripoll Perelló (1956, 1972), dont les travaux sont malheureusement restés largement inédits, celui de Reynaldo González (2001), qui reprend pour l’essentiel les motifs déjà publiés, et ceux d’Alberto Mingo Álvarez (2009, 2010), dédiés à l’étude des signes de la cavité. On doit enfin mentionner des contributions touchant des aspects plus ponctuels ou de nouveaux motifs (e.a. González Echegaray & Moure Romanillo, 1970 ; González Echegaray, 1972 ; Martínez Bea 2001-2002 ; Múzquiz, 1990 ; Garate Maidagan, 2006 ; Tosello et al., 2007 ; Ruiz Redondo, 2010). En fait, la richesse de ce site majeur demeure aujourd’hui encore largement méconnue, et un travail de synthèse s’imposait donc. Nous l’avons entamé dès 2003, à l’occasion du Centenaire de la découverte de l’art pariétal de la grotte.


DESCRIPTION DES ESPACES


Après avoir franchi le Vestibule, où ont été effectuées les fouilles archéologiques, le visiteur débouche dans la Salle A, d’environ 20 m de long, 13 m de large et de 8 à 10 m de haut, suivant les endroits. L’entrée d’origine devait se trouver à proximité de l’entrée actuelle, même si sa hauteur exacte n’est pas connue. Des ouvertures ont été repérées lors des premières fouilles, mais elles se trouvent sous les niveaux du Paléolithique supérieur récent (Magdalénien) et ne peuvent donc pas avoir été exploitées durant cette période. Une autre ouverture existe également à gauche de l’entrée actuelle. Elle est actuellement obturée par un bouchon de pierre et de mortier. Elle pourrait avoir servi pour entrer dans la grotte, mais elle aurait exigé d’escalader un talus sans doute relativement raide. Une cascade stalagmitique relativement raide devait mener le visiteur préhistorique dans la Salle A, dont le sol a été aménagé à l’époque moderne. Les premières publications mentionnent une surface irrégulière parsemée de blocs calcaire. Le passage vers la Salle A proprement dite se fait aujourd’hui à travers un sas et par un escalier en béton d’une vingtaine de marches. Le sol de cet espace a donc été régularisé par apport de sédiments et enlèvement de blocs au sol. Le fond de la Salle A est formé de niches peu profondes, qui comportent de nombreuses gravures et des traces de peintures. Au fond et à gauche de cette salle, le Diverticule, qui la prolonge, se présente comme une galerie en cul-de-sac de 33 m de long, de 8 à 12 m de large suivant les endroits et d’environ 4 m de haut. Le Diverticule commence au niveau d’un bloc rocheux résiduel contre la paroi gauche, qui comprend notamment de nombreuses gravures (le Palimpseste). Au fond et à droite de la Salle A, une fenêtre débouche sur une rampe étroite et pentue non aménagée, de 21 m de long (le Toboggan), qui conduit directement à la Salle B. Des animaux y ont été gravés, ainsi que (dans sa partie basse) les célèbres signes campaniformes peints en rouge.


À l’avant de la salle A, l’Entrée gravettienne se présente comme une longue galerie arquée qui passe sous l’entrée actuelle. Sa longueur totale est d’environ 40 m, sa largeur d’environ 5 m et la hauteur fait en moyenne 2,5 m. On peut subdiviser cet espace en trois parties. La première – le Couloir des Gravures – comprend de nombreuses figures animales gravées, en particulier dans des concavités du plafond (le Médaillon et la Conque). La troisième – le Couloir des Dépôts – est une galerie non ornée qui mène au Panneau des Polychromes. Les parties 1 et 3 sont articulées par une petite salle au plafond surbaissé (la Salle aux Empreintes), à l’avant de laquelle un espace en recoin comporte les deux premiers signes quadrangulaires du réseau.


À droite de la Salle A, deux volées d’escalier permettent aujourd’hui de gagner un niveau inférieur de la grotte. L’escalier de droite mène successivement au Panneau des Polychromes, au Bas-Côté, puis au Plafond des Mains. La rampe de 20 m de long qui y conduit est aujourd’hui complètement aménagée pour faciliter les visites touristiques. Le Panneau des Polychromes et le Plafond des Mains ont été abondamment décorés de peintures et de gravures. Le Plafond des Mains, qui est l’un des secteurs les plus ornés, se présente comme un entonnoir de 8,5 m de long sur 7,4 m de large au niveau de son entrée, et dont la hauteur varie de 2,4 m (à l’entrée) à 1,6 m (au fond). Il ouvre à droite sur une diaclase étroite au plafond orné de quadrangulaires cloisonnés rouges (le Recoin des Tectiformes) et à gauche sur une galerie au plafond surbaissé (la Galerie des Mains). Longue de 27 de mètres et large de 3, sa hauteur est de 1,20 à 1,80 m. Elle rejoint la Galerie des Disques avec, en milieu de parcours, un passage surbaissé en siphon et une petite salle basse de plafond, peu ornée, de 8 m de long et de 0,80 m de haut. Ce siphon a été franchi durant la période ancienne du Paléolithique supérieur, comme en attestent les traces d’impacts sur la voûte et la présence de mains négatives de part et d’autre de cet obstacle.


L’escalier de gauche, qui part de la Salle A, longe une salle jonchée de 32 m de long, 7,5 m de large et 4,7 m de haut, jonchée d’énormes blocs effondrés (la salle du Chaos). Cet escalier mène à une voie de passage aménagée aujourd’hui en un couloir qui débouche dans la Salle B. Celle-ci mesure 6,5 m de long, 14 m de large et environ 5 m de haut ; c’est là que se trouve le pilier stalagmitique figurant un homme-bison. Cette salle constitue une zone centrale de la grotte, puisqu’il faut nécessairement y passer pour atteindre les parties profondes du réseau. Vers elle convergent la voie d’accès de la Salle du Chaos, le Toboggan, mais aussi le Carrefour ; et d’elle partent, à gauche, la Corniche aux Bisons et, à droite, la Mezzanine. La Corniche aux Bisons est un étroit passage de 6,5 m de long, où se trouvent entre autres les deux bisons noirs qui lui ont donné son nom. Le passage débouche, avec un dénivelé de plusieurs mètres, dans la Salle C. Un escalier de pierre de quelques marches rappelle que les touristes du début du 20e siècle y passaient encore, ce qui explique sans aucun doute la dégradation de plusieurs dessins noirs de caprinés sur les parois de l’endroit (le Mur aux Chèvres). La Mezzanine, quant à elle, est un petit espace orné étroit de 5,5 m de long, limité par de hauts piliers stalagmitiques. On y accède aujourd’hui par un petit escalier en béton. Bien que la Mezzanine débouche dans la Salle C, les Paléolithiques ne l’ont vraisemblablement pas empruntée pour poursuivre leur cheminement dans la grotte. Entre le sol de la Mezzanine et la salle C proprement dite, on relève, en effet, une différence de plusieurs mètres. Enfin, une troisième voie (le Tunnel) conduit encore de la Salle B à la Salle C. Elle passe sous un plancher stalagmitique surcreusé il y a plusieurs décennies, de 5,7 m de long et 5 m de large. Les touristes l’empruntent actuellement pour atteindre les zones profondes de la grotte. Même si ce passage devait être malaisé durant le Paléolithique, il ne fait cependant aucun doute qu’il a été utilisé à l’époque, comme le démontrent les nombreuses traces rouges qui s’y trouvent. Après la Salle B, la grotte se prolonge en un conduit sinueux, qui se dilate jusqu’à former des salles de dimensions variables (Salles C et D). La Salle C débute par un espace en recoin (la Bauge aux Ours) de 3 m de long sur 3,5 m de large et 1,8 m de haut, dans lequel on pénètre par une ouverture étroite. En sortant de la Bauche aux Ours, on pénètre dans la salle proprement dite par un goulot formé à droite d’une cascade stalagmitique raide descendant de la Mezzanine et à gauche d’un pendant rocheux. La salle mesure 4,6 m de long, 11 m de large et 7,5 à 9 m de haut.


Quelques marches en béton descendent ensuite vers la Salle D, qui comportait un puits aujourd’hui comblé. Ses dimensions sont de 14 m de long, de 8,8 m de large et de 10 à 15 m de haut. Dans cette salle, le Balcon des Chèvres, perché à 5,5 m du sol, est un massif résiduel suspendu que les Paléolithiques ont orné en empruntant une rampe étroite et assez raide qui part de la Salle C. La Salle D est sans doute l’espace le plus difficile à comprendre. Il est établi que certains groupes paléolithiques ont suivi la même voie que les visiteurs actuels jusqu’au puits, puisqu’une diaclase située à gauche de l’entrée de la salle y a été ornée. Le décor est, en revanche, totalement absent dans le reste de la salle. Pour gagner les secteurs plus profonds de la grotte, les visiteurs paléolithiques ont sans doute dû contourner le Puits par la droite, d’autant que celui-ci était bordé du côté droit par une cascade stalagmitique, aujourd’hui entaillée pour aménager le sentier suivi par les visiteurs. Si bien qu’il est permis de penser que les groupes préhistoriques ont plutôt escaladé un massif concrétionné de la Salle C pour accéder à et traverser la Salle D. Ce passage ne devait pas être aisé, pourtant il est intéressant de remarquer que cette voie était encore pratiquée il y a quelque 70 ans, comme nous l’a confié Joaquín González Echegaray.


Aujourd’hui, le visiteur quitte la Salle D en montant d’abord et en descendant ensuite deux volées d’escaliers en béton d’une quinzaine de marches chacune. Il débouche dans un espace circulaire mis en valeur par de minces piliers stalagmitiques (le Carrousel). Cet espace mène directement à la Galerie des Disques, couloir rectiligne d’environ 75 m de long, 2 à 6 m de large et 9 à 11 m de haut suivant les endroits. Cette imposante galerie est connue pour les quelque 191 disques rouges qui en jalonnent le parcours, mais aussi pour son mammouth peint en rouge qui la termine. Après un passage étroit, élargi au 20e siècle, le réseau aboutit à la Salle Finale, dans laquelle on descend actuellement par un escalier en béton. Elle est longue de 13 m, large de 10 m et haute de 10 m. La présence à cet endroit de disques rouges démontre une intégration de l’espace souterrain de la grotte beaucoup plus importante qu’on ne l’a pensé.


Le dernier secteur de la cavité, non aménagé, est le Tréfonds, qui comprend des traces anthropiques et deux chevaux gravés au sol. On y accède en descendant dans le Gouffre, à 3,70 m du sol de la Salle Finale. Après un passage étroit, un couloir sinueux (le Couloir des Humains) d’une vingtaine de mètres de long, de 2,5 m de large et de 7 m de haut mène, à gauche, vers la partie antérieure du Tréfonds et, à droite, à la partie profonde du Tréfonds. La partie antérieure s’ouvre par une chatière et comporte trois petites salles consécutives, dont la dernière est en cul-de-sac. Leurs dimensions varient de 4 à 7 m de long. La partie profonde débute par une puissante cascade stalagmitique (la Grande Cascade), dont la partie inférieure est ornée de tracés digités. Après l’avoir escaladée, on débouche dans la Grande Salle, riche en concrétions, au bout de laquelle un dénivelé d’un peu moins de 1,5 m environ conduit au dernier espace accessible de la grotte (la Salle en contrebas). Cet espace est fermé par une paroi stalagmitique abrupte de plusieurs mètres de haut, qui ne semble pas avoir été escaladée aux époques préhistoriques. Aucune trace anthropique ancienne n’y a, en tout cas, été décelée.